Skip to main content

L’église et la paroisse de Goyrans pendant la révolution

Le clergé de Goyrans dans la tourmente

Au cours de la période révolutionnaire, d’importantes modifications interviennent dans les statuts respectifs de la paroisse et de la municipalité. La sécularisation des biens du clergé et l’instauration du Concordat lient l’existence matérielle de l’Église à l’État. Les communes doivent prendre en charge une partie des dépenses de la paroisse, l’entretien des bâtiments, du cimetière et le traitement du curé.

Durant cette époque, de nombreuses destructions sont sans doute perpétrées dans les campagnes, mais il ne semble pas qu’elles soient particulièrement importantes dans la région toulousaine.

André Niel, vicaire desservant de Goyrans, dont la famille est mentionnée dès le XVI° siècle comme étant « co-seigneur dudit lieu », doit émigrer en 1794 (20 prairial an II) pour sauver sa tête. Tous ses biens  sont vendus comme ceux des curés non jureurs du voisinage.

1792 : Prêtres réfractaires déportés

En conséquence, puisque la commune est sans desservant depuis « l’exportation des prêtres », on fait appel à des curés jureurs comme Brunet, curé de Labarthe sur Lèze, puis Badaroux, curé de Clermont le Fort. Ils viennent célébrer messes et vêpres jusqu’à la fin de 1794. On se préoccupe même, à un moment, d’installer, pour le citoyen Brunet, un lit dans la maison vicariale  mais on ne trouve pas l’argent pour cette dépense !

En 1793, il est encore question de vérifier les réparations faites à l’église et à la chapelle Saint Roch. Cette dernière est située sur la place du village ; on s’y rend d’ailleurs en procession. Elle est aujourd’hui disparue et on ne connaît pas exactement son emplacement.

À son tour, le citoyen Badaroux, curé constitutionnel de Clermont le Fort depuis 1793, vient célébrer les offices. Il est originaire de Saint Germain en Lozère où il est né en 1743.

Or, au début de 1794, sous la pression des autorités administratives, le culte de la Raison a partout remplacé le culte catholique. Aussi, l’assemblée des citoyens de Goyrans décide qu’il n’y a pas lieu de le rétribuer et sa pension ne lui est plus payée.

Le désintéressement n’est pas sa vertu dominante. Comme la plupart des prêtres constitutionnels, Badaroux n’a pas plus l’âme d’un apôtre que le cœur d’un héros ! Son dévouement ne comporte aucun sacrifice.

Désormais les cérémonies religieuses sont interdites, les prêtres réfractaires traqués de toutes parts, les assermentés traités en suspects, les fidèles arrêtés puis emprisonnés et les églises désaffectées et fermées.

Badaroux, bien qu’étant prêtre assermenté, tremble de peur et n’ose  plus paraître dans son église. Il  cesse toute fonction ecclésiastique « de crainte de circonvenir à la loi ».

Mais de quoi a t-il peur ?

– ne s’est-il pas toujours « conduit en bon prêtre républicain » ?

– n’a t-il pas prêté le serment « Liberté-Egalité » ou petit serment prescrit par la loi du 10 août 1792 ?

– n’a t-il pas également « lu en chaire, expliqué et commenté toutes les lois et tous les décrets » ?

Ainsi le malheureux Badaroux disparaît, désireux, sans doute, de se faire oublier de ses ennemis.

La suppression du curé entraîne naturellement la suppression du culte. L’église est interdite aux fidèles. Désormais, le registre municipal ne parle plus que du « Temple de la Raison » utilisé comme lieu de réunion.

En exécution des décrets des 12 et 14 septembre 1792 sur les « meubles et ustensiles d’or et d’argent des églises », tous les vases sacrés, les objets mêmes du culte et les cloches doivent être portés au district. Cependant le registre des délibérations municipales de Goyrans ne dit rien à ce sujet.

La population est surtout préoccupée par les biens communaux, car elle a commencé à cultiver les terres « ci-devant privilégiées ». Mais le meunier du village qui en a le fermage refuse de résilier son bail et gagne son procès contre la communauté. Les habitants doivent restituer les fruits qu’ils ont récoltés sur les communaux.

La terreur et ses conséquences religieuses

La déchristianisation systématique commence avec le remplacement du calendrier grégorien par le calendrier républicain en novembre 1793. Ce nouveau calendrier créé par le poète Fabre d’Églantine, natif de Carcassonne, supprime les dimanches et fêtes et institue un culte décadaire.

Celui-ci est définitivement organisé par la loi du 3 brumaire an IV (24 octobre 1795) qui en fixe tous les détails. Trois fois par mois, le jour du Décadi, les autorités municipales se rendent au « Temple de la Raison ». Le cortège officiel prend place dans le sanctuaire face à l’assistance groupée dans la nef.

Un roulement de tambour annonce l’ouverture de la cérémonie civique qui se déroule selon un programme tracé d’avance, toujours invariable et partout identique. Il comporte la lecture des arrêtés, des décrets et des lois, l’annonce des victoires  remportées par les armées de la République et le compte rendu du mouvement de l’état civil : naissances, mariages et décès. Enfin, on se sépare au chant du couplet obligatoire : « Amour sacré de la Patrie » .

Pour rompre la monotonie des réunions périodiques, ternes et froides, la Convention vote l’organisation d’un certain nombre de fêtes extraordinaires : les unes commémoratives, les autres symboliques. Ces fêtes, célébrées avec éclat dans les villes, n’obtiennent aucun succès dans les campagnes.

En octobre 1792, sont promulgués les décrets décidant la déportation des prêtres réfractaires et l’interdiction d’enseigner par les ecclésiastiques même conventionnels.

En 1793, on estime que 509 ecclésiastiques sont arrêtés et emprisonnés à Toulouse. Le 6 pluviôse an II (25 janvier 1794) un arrêté du Conseil Exécutif et du Comité de Salut Public demande le regroupement de quelques 124 prêtres de Haute-Garonne de moins de 60 ans et non infirmes dans les ports de Bordeaux et de Rochefort pour être déportés vers Cayenne. Le blocus de la flotte anglaise devant ces ports permet d’empêcher leur exil. Retenus pendant plus de 2 ans sur 3 bateaux négriers, ils sont  libérés en thermidor an IV (juillet 1796). Toutefois les pénibles conditions de leur détention coûtèrent la vie à plusieurs d’entre eux.

Le 7 mai 1794, Robespierre institue comme religion d’État le culte de l’Être Suprême  puis, avec la loi de séparation de l’Église et de l’État, le budget accordé à l’église constitutionnelle est supprimé.

Epilogue

Sous le Directoire, le 24 août 1797, les mesures prises envers les prêtres réfractaires sont abolies.

À la fin de la Révolution, deux prêtres se présentent pour desservir Goyrans, l’ancien vicaire André Niel et le revenant Louis Badaroux. Ce dernier jure fidélité à la Constitution entre les mains du maire Bergeaud  le 30 messidor de l’an VIII (9 juillet 1800). Il dessert la paroisse jusqu’en 1807 et ne la quitte que parce qu’il est devenu aveugle. Après lui, la paroisse redevient l’annexe d’Aureville et il faut attendre jusqu’en 1853 pour avoir un curé résidant à Goyrans.